Jarvis passait son temps à faire son malin:
« Pop Artiste du Sexe Décomplexé, Provocateur et Dangereux, il symbolise mieux que quiconque l’ambivalence de notre siècle connecté, et l’hypocrisie des censeurs à la libido empêchée. Oui tout le monde est venu sur Internet pour le sexe, et pourtant le sexe est devenu l’argument de censure, l’outil de collective shaming, l’étendard de la diabolisation et la bonne raison de tout interdire et tout contrôler. Ce qui aurait pu être joyeux et libéré, est vérolé, monétisé, exploité, piège à loup qui se referme sur l’utopie de nos libertés. »
Voilà ce qu’on disait sur Jarvis, voilà le genre d’article qui glosait sur ses bites en érection, ses vagins pointus, ses langues empotées et ses culs joyeux et musclés qui dansaient sous la douche. Facile à vendre, facile à choquer, facile à décortiquer.
Personne à part D ne savait que Jarvis avait une oeuvre cachée, une oeuvre sombre et élégante qui ne cherchait rien d’autre que la beauté, une oeuvre dont il était amoureux mais dont personne n’avait rien à dire, et qui du coup, était totalement invendable.
Même les artistes contemporains ont un coeur, disait Jarvis, et heureusement c’est la dernière chose que personne ne sait comment marketer. Mais parfois, les soirs de peine lune, il aurait bien aimé en vivre.